Intervention David Kimelfeld – Conseil métropolitain du 12 décembre 2022

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les élus,

Merci monsieur le Président d’avoir pris l’initiative de cette interruption de séance pour favoriser l’expression de femmes iraniennes.

De nombreux sujets nous divisent mais accompagner avec humilité certes, un peuple qui tente de trouver la liberté nous rassemblent.

Sur un autre champ, Mr le Président je voudrais saluer les organisations syndicales qui ont vu terminé leurs élections professionnelles la semaine dernière et féliciter les nouveaux élus dans les différentes instances.

Cette élection est importante car c’est autour de ces représentants et du résultat que devra se décliner le dialogue social dans notre collectivité.

Il me semble important dans le contexte actuel d’intervenir sur la problématique des mineurs non accompagnés et globalement sur les ambitions de la Métropole en matière d’accueil des populations migrantes. L’actualité récente, avec l’accueil à Toulon des naufragés de l’Ocean Viking, a montré, une fois encore, que ce sujet, complexe, méritait mieux que des postures politiques, postures qui conduisent ces populations à se retrouver otages des manquements institutionnels, ignorant par la même leurs droits fondamentaux

Beaucoup d’entre vous le savent, j’ai eu à cœur, en tant que Président de la Métropole, de porter ce sujet et d’en faire une des priorités de mon mandat. Je l’ai fait, non par idéologie, ni calcul politicien, je l’ai fait parce qu’en arrivant en responsabilité, j’ai constaté que la Métropole ne remplissait pas ses obligations à l’égard de ces jeunes. J’ai constaté, dès mon arrivée, l’impact important que cette problématique des MNA avait sur l’ensemble du dispositif de protection de l’enfance et j’ai considéré que des mesures urgentes devaient être prises. Ces mesures, ce furent d’abord une mobilisation de moyens, plus de 30 M€ sur un budget de 120M€ à l’époque, et ce fut surtout le lancement d’appels à projets permettant des créations de places et un accompagnement spécifique. Le plan que j’ai porté prévoyait 370 places de mises à l’abri, pour répondre à l’urgence impérieuse de sécurité pour ces jeunes qui sollicitaient une prise en charge à l’ASE. Ces places ont été créées dans le cadre d’une procédure d’urgence, avec la mobilisation de l’ensemble des acteurs associatifs de l’ASE. Ces places ont permis, à ce moment-là, de répondre à l’exigence posée par la loi de mettre à l’abri tous les jeunes sollicitant une prise en charge ASE, et ce, avant même leur évaluation.

Au-delà de la mise à l’abri, un appel à projets pour la création de 500 places habilitées ASE a également été lancé, mobilisant l’ensemble des acteurs du dispositif. Ces places ont permis de redonner de la cohérence au fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance, car, il est important de le dire, le travail remarquable que font les professionnels de l’ASE, n’est pas le même, selon qu’il s’agisse d’un enfant pour lequel les liens avec les parents doivent être travaillés et un mineur, souvent grand, comme le sont les MNA, pour lesquels les enjeux parentaux sont difficiles voire impossibles à appréhender. En revanche, d’autres problématiques se posent aux professionnels, comme la régularisation, la scolarisation ou la formation, tout cela nécessite des compétences spécifiques, pour lesquelles il faut être formé.

Redonner du sens, des moyens, de l’ambition, tel était mon objectif. Du sens d’abord, en remettant, par exemple, l’IDEF au cœur de sa mission première, qu’est l’accueil d’urgence, avec de surcroit le lancement d’une réflexion profonde concernant l’impact de l’immobilier sur la qualité de prise en charge des enfants et les conditions de travail des agents. Des moyens, je me suis déjà exprimé sur ce point, je n’y reviendrai pas. De l’ambition, en mettant en place un dispositif spécifique pour les MNA qui réponde à leurs besoins, loin d’une vision, parfois romantique, pour ne pas dire erronée, que certaines ou certains avaient de la protection de l’enfance… Jugeant ces créations de places, comme un dispositif au rabais, voire discriminatoire à l’égard des MNA, alors même que cela répondait à leurs besoins, et que cette spécificité était revendiquée par l’ensemble des acteurs associatifs habilités en protection de l’enfance !

De 2017 à 2019 plus de 75% des places ont été créées et les effets se sont faits sentir concrètement : une baisse significative des mineurs à l’hôtel, cet hébergement étant à ce moment-là plutôt dédié aux jeunes majeurs, une capacité à assurer les mises à l’abri, ne laissant aucun jeune à la rue, un dispositif d’accueil d’urgence, l’IDEF, préservé des flux et de leur imprévisibilité.

Le bilan que je viens de dresser ne vise pas à me prévaloir d’une quelconque satisfaction ou fierté mal venue… Il vise simplement à vous repréciser, Monsieur le Président, mes chers collègues, là où la Métropole en était lorsque vous êtes arrivés aux responsabilités et que vous n’aviez pas de mots assez durs, vous et vos amis de certains collectifs, pour fustiger l’action de la Métropole sur le dossier MNA…

Moi, aujourd’hui, Monsieur le Président, mes chers collègues, je m’interroge sur l’action qui, depuis 2 ans et demi, est celle de l’exécutif métropolitain. Nous ne sommes plus dans les déclarations d’intention, nous ne sommes plus dans la mise en responsabilité des prédécesseurs, vous êtes comptable d’un premier bilan.

Je m’interroge d’abord sur l’absence d’information concernant les flux d’arrivées de MNA. Je ne peux que déplorer, là encore, une forme d’omerta qui, sur ce sujet et bien d’autres, semble devenir votre marque de fabrique. Au-delà des chiffres, c’est aussi une absence de concertation qui m’interpelle. Je veux rappeler ici le travail fait avec certains élus en 2018, à mon initiative, sur le sujet des MNA pour réfléchir et bâtir dans la concertation et la transparence, des solutions à ce problème, que je savais complexe. Je veux, d’ailleurs, saluer le travail fait, en son temps, par André GACHET. Comme sur ce sujet, Monsieur le Président, vous semblez enfermé dans une forme de certitude idéologique, mais une idéologie, Monsieur le Président, même s’il est un système de pensée cohérent avec lui-même, il ne l’est pas avec la réalité !

Je m’interroge sur le retard de la mise en œuvre d’appels à projets visant à créer de nouvelles places, soit de mise à l’abri, soit d’hébergement. Car, en dépit de mon ignorance des chiffres exacts de flux d’arrivées de MNA, l’actualité me laisse à penser que la tendance reste dynamique… Je m’interroge, donc, sur ce que vous prévoyez pour répondre à cette réalité, et permettre à notre collectivité de respecter la loi et en particulier la loi TAQUET du 07/02/2022 qui contraint les départements et donc la métropole à prendre en charge les jeunes majeurs en sortie de protection de l’enfance, qui, je le rappelle pour tous, interdit désormais la présence de mineurs à l’hôtel.

Là-aussi, Monsieur le Président, je m’interroge. Je n’ai rien vu concernant les jeunes majeurs avant votre appel à projets dont les dossiers seront remis le 16/01 pour une mise en œuvre au mieux en juin 2023.

 Vous avez créé un dispositif dénommé « Station » et je vous donne crédit sur ce point, même si il faut le rappeler, le public concerné relève avant tout de l’État... Ainsi, Monsieur le Président, vous travaillez à combler certains manques de l’État et vous consacrez des moyens pour un public qui ne relève pas des compétences de la Métropole, mais qu’en est-il des jeunes majeurs ? Qui, eux, relèvent de vous ! de nous.

Je m’interroge sur l’adaptation de notre dispositif de prise en charge des jeunes majeurs, au regard des exigences posées par les récentes évolutions législatives, qu’avez-vous prévu à ce sujet. Avec cette appel à projet,combien prévoyez vous de places et dans quel délai et  avec quels  dispositifs pour prendre en charge ces jeunes majeurs ?

Notre collectivité, par son statut unique, regroupe les compétences sociales et économiques. On le sait, de nombreux secteurs peinent à recruter, faute d’une main d’œuvre disponible et formée. Là encore, je m’interroge… Qu’avez-vous engagé permettant à ces jeunes MNA, pour qu’ils puissent s’inscrire dans un parcours de formation ? On le sait, l’intégration et l’obtention de papiers, passent par la formation et l’insertion professionnelle, qu’en est-il de vos projets, si vous en avez, dans ce domaine ?

On le sait, la question de l’évaluation de minorité est sensible. J’avais d’ailleurs confié à Forum Réfugiés, opérateur reconnu s’agissant des enjeux de migration, le soin d’évaluer les jeunes sollicitant la Métropole. Je m’interroge, là aussi… Sauf à considérer que l’évaluation est une procédure figée et infaillible, qu’avez-vous fait pour permettre une prise en compte de l’expérience et du savoir-faire acquis depuis 2018 ? Car on le sait, c’est en évaluant qu’on devient évaluateur, c’est par le partage d’expériences, l’adaptation permanente aux nouveaux enjeux migratoires qu’on améliore le dispositif d’évaluation.

Enfin, et c’est un point important, je m’interroge sur le lien que la Métropole entretiens avec la justice et le Tribunal pour Enfants en particulier. Monsieur le Président, mes chers collègues, beaucoup de jeunes MNA sont confiés à l’aide sociale à l’enfance par le truchement d’ordonnances de placement qui interviennent, après un recours du jeune, suite à une évaluation concluant à la majorité. Loin de moi l’idée de remettre en question la qualité du travail fait par les juges des enfants. Cependant, pour un nombre  de jeunes confiés par ce biais, la minorité est contestable .et  un certain nombre sont au final majeurs.

Afin de remédier à cela, des rencontres régulières au niveau de la présidence du Tribunal, ainsi que du Parquet étaient organisées. Ces rencontres ont fait l’objet en 2018 et 2019 d’une communication aux élus. Je m’interroge, Monsieur le Président, sur le maintien par votre exécutif de ces liens et du travail engagé. Quelle est votre position quant aux ordonnances provisoires de placement qui, manifestement, seraient susceptibles d’être contestées ? Pouvez-vous, communiquer à cette assemblée, un bilan des réorientations vers d’autres départements, dispositif de l’État, mis en place pour soulager les collectivités les plus impactées par l’arrivée des MNA ?

Toutes ces questions, mesdames, messieurs, manifeste une inquiétude qui ne mérite pas la polémique.

Nous observons depuis deux et demi une prégnance du sujet MNA dans la sphère médiatique, source d’incrédulité, voire d’inquiétude pour nos concitoyens. Sans politique claire, sans récit à livrer, vous ne faites qu’alimenter le doute et laisser à penser, que seule l’idéologie anime et guide votre politique.

Monsieur le Président attention de ne pas être prisonnier de certitudes et de bons sentiments. Vous avez la responsabilité sur ce sujet de rassembler le plus largement possible.

L’hospitalité dont parle souvent MR Payre avec gourmandise ne peut pas se bâtir en écartant les Maires et votre opposition au risque d’écarter une partie importante de la population.

Nous aurons sans doute dans ce conseil des débats passionnés sur le rapport du sénat ou sur la spl aménagement mais pour autant n’en oubliant pas l’essentiel.

Les femmes et les hommes qui habitent cette métropole et celles et ceux qui souhaitent les rejoindre.