Monsieur le Président,
Chers collègues,
- « Notre rôle, depuis le début, a été de trouver une position d’équilibre qui nous permet en même temps d’entamer un dispositif ambitieux et de ne pas dégrader, premièrement, l’équilibre économique de nos entreprises et, deuxièmement, l’équilibre des plus modestes dans notre Métropole. »
- Ces mots, ce sont les miens, mais cela aurait pu être celui de tous les groupes politiques de l’ancienne mandature ,le 28 janvier 2019, lorsque nous avons de manière consensuelle créé la zone à faibles émissions interdisant aux véhicules professionnels de Crit’air 4, 5 et non-classés de circuler en cœur de métropole. Nous avancions tous ensemble majorité et opposition comprises
- Nous entamions alors un chantier ambitieux, avec la mise en place de la ZFE la plus restrictive de France à horizon 2021, dans un souci d’amélioration de la qualité de l’air et d’avancées concrètes dans le combat contre le dérèglement climatique.
- Avec cette ZFE visant les véhicules professionnels les plus polluants, avec l’adoption du PCAET, le développement des transports en commun, le passage à 70km/h sur le périphérique en mars 2019, la construction de nouvelles pistes cyclables ,l’augmentation importante du budget dédié à ECORENOV porté déjà par BEATRICE VESSILIER déjà vice présidente au coté de GERARD COLLOMB depuis 2014 , nous avons notamment permis à 50% des habitants habituellement soumis à la pollution à l’oxyde d’azote de ne plus l’être et d’améliorer plus largement la qualité de l’air dans la Métropole, comme en attestent les chiffres actuels.
- Nous avons été pionniers, collectivement, dans la mise en place de cet outil, en concertation avec les professionnels, les citoyens et les communes, avec une adoption à l’unanimité des voix de cette mesure forte et je voudrais remercier BERTRAND ARTIGNY alors président du groupe des verts dans ma majorité de son action sur cette délibération avec le souci partagé d’avancer pour le combat climatique.
- Mais, vous l’aurez noté, et certains dans cette assemblée peuvent en attester, nous avons toujours eu le souci de concilier transition écologique et justice sociale, de prendre en compte les plus précaires et les plus modestes y compris de notre classe moyenne dans les décisions prises en matière de transition écologique.
- Pourra-t-on en dire autant de cette amplification de la ZFE+ ? Je n’en suis pas certain.
- J’ai évidemment aussi en mémoire les propos de mes anciens et actuels collègues réélus et aujourd’hui membres de votre majorité
- Le discours de Pierre-Alain Millet résonne notamment encore dans ces murs, attaquant ardemment la Commission européenne pour, je cite, « son usage systématique de l’écologie punitive », rappelant « qu’au milieu du XIXème siècle, il n’y avait aucune particule, ni micro, ni nano, ni pico, ni femto » et que l’espérance de vie était pourtant de 40 ans ; alertant, aussi, je cite, « ceux qui en rajoutent dans le catastrophisme et demandent l’extension aux véhicules individuels » qu’ils « devraient faire attention à ne pas retrouver les carrefours de leur commune pleins de gilets jaunes ».
- M. Millet n’avait cependant pas tort sur les risques encourus en mettant en place des mesures précipitées, non-accompagnées et illisibles.
- Je me souviens de Mme. Reveyrand qui alertait à l’époque sur « le délai très court de consultation des communes », des citoyens et de leurs représentants, alors que nous avions dédié un an à cela quand vous laisserez a fortiori 3 mois de répit aux propriétaires de véhicules Crit’air 5 et non-classés pour changer leur véhicule ou leur mode de déplacement. Je reprends cette alerte à mon compte pour cette ZFE amplifiée.
- Ces alertes, elles étaient légitimes. Mais nous avions pris la mesure de l’impact de la ZFE sur les entreprises et leurs salariés et avions engagé des outils et moyens d’accompagnement financier forts pour éviter des drames économiques tout en avançant dans la transition écologique.
- Aujourd’hui, vous proposez de débuter dans quelques mois l’élargissement de ce dispositif aux véhicules particuliers Crit’air 5 et +, sans mesure d’accompagnement ni dérogation connue à ce jour.
- Concrètement, ce sont des milliers de foyers, presque 30 000, qui sont souvent les plus modestes au vu des véhicules concernés, qui ne pourront plus entrer dans le périmètre de la ZFE dans 9 mois.
- Si nous partageons l’impérieuse nécessité de réduire la pollution de l’air, comme nous l’avons engagé, et pas uniquement en s’attaquant à la voiture individuelle, nous ne pouvons accepter une mesure qui frappera les plus modestes sans accompagnement, ces agents et salariés du territoire métropolitain qui travaillent chaque jour sur le périmètre visé et qui n’ont pas nécessairement d’alternative à la voiture individuelle. Car MR KHOLAAS , ce ne sont pas comme vous l’avez dit ‘’ des gens addicts à la voiture ‘’qu’il faudrait soigner ou au mieux dresser , non ce sont des gens qui ont besoin de leur véhicule pour aller travailler en attendant pour certains 5 OU 6 ans la solution alternative de transport en commun ,vous n’êtes pas responsable de ces retards mais aujourd’hui responsable des conséquences et il viouas faut assumer ce principe de réalité
- L’impératif climatique ne pourra être accepté par nos concitoyens seulement si nous avons le souci de la justice et de l’équité sociale et territoriale.
- Notre groupe propose donc un amendement afin que la délibération indique clairement que le renforcement de la ZFE s’accompagnera d’aides financières afin d’en limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages et de prendre en compte la situation financière et professionnelle des Grands Lyonnais confrontés à cette mesure.
- Au-delà de nos collègues de l’opposition, nous appelons très clairement les groupes de la majorité, écologistes comme socialistes, communistes et insoumis, à ne pas renier leurs convictions et leurs électeurs, en votant cet amendement.
- Nous appelons aussi les maires, par ailleurs conseillers métropolitains, à prendre leurs responsabilités en ne contribuant pas à creuser des inégalités territoriales et sociales déjà très présentes dans les communes les plus défavorisées du territoire.
- Mme la Maire de VAUX EN VELIN chère Hélène Geoffroy , Mme la maire de VENISSIEUX , chére MICHELE PICARD , Mr le maire de VILLEURBANNE cher CEDRIC VAN STYVANDAEL et je m’adresse ici à tous les maires ou élus municiapaux présents ,que direz-vous à vos administrés dans les mois à venir, quand ils vous demanderont comment vous les accompagnerez pour trouver une solution de mobilité ou changer leur véhicule ?
- M. Le Président, derrière les mesures que vous prenez dans ce Conseil, il y a des hommes et des femmes qui chaque jour concrètement vont être confrontés à des difficultés que vous êtes aujourd’hui dans l’incapacité de résoudre mais surtout incapable d’entendre . Vous avez évoqué comme une réponse implacable les solutions de transport en commun mais ce sont des solutions à 5 ou 6 ans et vous n’êtes pour rien dans ces délais pas le jour ou les interdictions prendront effet et puis avec un grand détachement qui commence à être votre marque de fabrique vous avez lors de votre conférence de presse indiquer de facon tout à fait laconique ‘nous trouverons des solutions ‘ Alors je vais vous donner des exemples concrets et vous pourrez si vous acceptez nous donner des solutions concrètes à ces cas précis
- Par exemple, Madame Z , 30 ans, infirmière à l’hôpital de la Croix Rousse qui vit à Trévoux hors métropole . Elle commence sa journée de travail à 6h. Pour arriver à l’heure, MADAME Z a acheté il y a 2 ans une Renault Clio 2 d’occasion à 1500€ sur Le Bon Coin.
1500€, c’est aussi ce qu’elle gagne chaque mois. C’est un diesel et cette voiture a été immatriculée en 2000. C’est donc un Crit’air 5.
Dans 9 mois, MADAME Z ne pourra plus entrer à Lyon avec sa voiture, ni même arriver à l’heure au travail.
Le premier bus de Trévoux part à 6h30, elle doit le prendre jusqu’à St Germain au-Mont-d’Or où elle prendre un autre bus pour rejoindre le métro A à Bellecour, puis le métro C d’Hôtel de Ville jusqu’à la Croix Rousse.
- Un autre exemple : MADAME X , 55 ans, agent d’entretien au collège Charles Sénard à Caluire et Cuire. Elle commence donc le travail tôt. MADAME X que connait bien MR GASCON son maire vit à Saint-Priest village. Pour aller au travail, elle doit faire au moins 1h20 de transports en commun (T2, métro A, métro C). Aller-retour, elle fait 3h de transports en commun dans la journée.
- Elle a donc décidé d’acheter un Renault Scénic 2005 d’occasion, environ 3500€, soit presque 2 mois de salaires pour elle, qui lui permet aussi de transporter ses petits-enfants lorsque cela est nécessaire. Son véhicule Crit’air 4 sera interdit à une date encore inconnue entre 2023 et 2026, vraisemblablement d’ici 2 ans. Dans 2 ans, elle ne sait pas ce qu’elle fait.
- Un dernier exemple pour la route, si je puis dire : celui de mr T, 47 ans, marié avec 2 enfants, qui vit à Lyon. Il est ouvrier dans le bâtiment et doit donc se déplacer dans toute la Métropole en fonction de ses chantiers.
- Avec sa femme, qui a perdu son emploi à cause de la crise économique, ils viennent de changer de voiture début 2020. Ils ont acheté un Dacia Duster diesel pour un peu plus de 10 000€ avec un prêt sur plusieurs années.
Même si son véhicule date de 2020, il s’agit d’un Crit’air 2. Il ne pourra donc plus le conduire d’ici 2026 mais il pourra toujours continuer à payer son prêt
- …Tous ces gens là sont potentiellement des exclus de votre politique. Ils sont des exclus de la vision de la Métropole que vous prônez.
- Ils font partie des près de 75% de ménages qui d’ici 2026 ne pourront plus utiliser leur véhicule dans cette métropole et qui, à la lecture de ce rapport et des plans d’investissements de la métropole et du SYTRAL, n’auront pas d’alternative à la voiture ni d’aides financières conséquentes pour les accompagner dans le changement de véhicule.
- En janvier, j’alertais sur le risque de développer la vision d’une Métropole « pour quelques-uns ».
- Une fois de plus, même s’il est encore temps de changer la donne en soutenant nos amendements, le risque est présent.
- En réalité, vous avez le choix d’adopter collectivement deux attitudes, telles que les décrivait le sociologue Max Weber dans son ouvrage, Le savant et le politique : ethique de convictions ou éthique de responsabilité
- Autrement dit, le militant, celui qui peut se donner bonne conscience et appliquer une idéologie qu’il connaît sur le bout des doigts, qui va avant tout être guidé par une éthique de conviction. Il va, dans une forme de langage religieux, remplir son devoir et imposer sa vision, sans se préoccuper des conséquences de ce comportement, puisque toute fin justifie les moyens.
- Ou il y a le politique, celui qui veut vraiment changer le monde, qui va prendre en compte toutes les réalités de ce monde, la diversité de ses habitants, et qui sera lui, avant tout, être animé pour une éthique de responsabilité. La responsabilité de prendre en compte le principe de réalité, d’être souple, de s’adapter aux évolutions socio-économiques de notre société, d’anticiper et d’être préoccupé par les conséquences de ses actes.
- M. Le Président, vous êtes le président, vous devez être le politique. Celui qui arrive à convaincre ses élus EELV et au-delà les militants de votre parti qu’il faut que vous endossiez le costume du président , celui de l’éthique de responsabilité
- La crise économique et sociale que nous traversons est forte, elle risque de prendre de l’ampleur dans les mois à venir.
- Ne contribuons pas aujourd’hui à creuser plus encore les inégalités sociales et territoriales de notre pays.
- Investissons pour accompagner les Grands Lyonnais dans cette transition, accompagnons-les et informons-les comme il se doit.
- Nous en appelons à la responsabilité de chacun ,l’engagement de cette collectivité à ce qu’un accompagnement financier soit mis en place pour les particuliers concernés, en fonction de leur situation professionnelle et personnelle
- Plusieurs de nos amendements vont dans ce sens avec:
– La demande d’inscrire dans ce rapport l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’investissement pour la création et le renforcement de parkings-relais en cœur et aux portes de notre Métropole (amendement n°3) ;
– La demande d’engagement d’études portant sur l’impact social et sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et des travailleurs habitant dans et en dehors de la métropole, comme a pu le faire Londres, avec la nécessité qu’elles soient présentées en Conseil d’ici cette fin d’année (amendements n°1 et n°2) ;
– L’engagement de la collectivité à ce que chaque Grand Lyonnais reçoive un courrier l’informant qu’il ne pourra plus utiliser son véhicule personnel, qu’il s’agisse de l’échéance de 2022 ou des autres échéances de cette ZFE nouvelle version, et ce au moins trois mois avant chaque échéance (amendement n°5) ;
– Un amendement conjoint avec les groupes Synergies, Inventer la Métropole de Demain et Métropole pour Tous visant à élargir la concertation aux territoires voisins de la Métropole de Lyon (amendement n°4) ;
- Souvenons-nous de ce que notre pays a vécu depuis 2017, de cette gronde des invisibles, de ceux qui parfois estiment ne pas être assez entendus, qui demain découvriront peut-être dans la presse cette mesure votée aujourd’hui. Nous ne sommes jamais à l’abri d’une colère forte. Et cette fois ce ne seront pas des décisions gouvernementales qui créeront les gilets jaunes mais bien votre obstination à ne pas prendre en compte la justice sociale et la réalité de la vie quotidienne de nos concitoyens
- Chers collègues, nous pouvons encore changer la donne, nous pouvons éviter de faire de la ZFE de cette métropole, une Zone de Forte Exclusion et éviter que la transition écologique vienne s’opposer à la question sociale
- Nous ne pouvons pas accepter une mesure qui frappera la majorité des habitants, ceux qui vivent difficilement des revenus de leur travail.
- J’en appelle à l’éthique de responsabilité de chacun.
Je vous remercie de votre attention.