Monsieur le Président,
Chers collègues,
« C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Au fur et à mesure de sa chute il se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien. Mais l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »
Cette tirade célèbre du film « La haine » pourrait presque à elle seule résumer le document d’orientation budgétaire que vous nous présentez pour 2024.
Pas de fertile, de désirable, d’apaisé, de durable, de résilient, d’en transition pour qualifier l’avenir budgétaire de notre collectivité. En tension, c’est le terme que vous adoptez.
Au fil des 36 pages de ce DOB, vous nous expliquez, en gros, que la métropole de Lyon est face à un effet ciseau négatif lié à une baisse forte des recettes, notamment des DMTO, face à une hausse constante des dépenses de fonctionnement. Et, en même temps, qu’il ne faut rien changer et, je cite, maintenir le cap malgré des conjonctures défavorables.
Ces conjonctures sont en partie liées à des facteurs exogènes. Nous en convenons. Covid-19, guerre en Ukraine et leurs répercussions économiques, inflation, décisions gouvernementales ne sont pas de votre fait.
En revanche, il n’est pas suffisant de les constater. Il est de votre responsabilité d’anticiper pour en limiter l’effet sur nos finances.
J’y reviendrai.
Par ailleurs, on aurait pu s’attendre à un peu plus de visibilité sur la PPI d’un montant de 3,6 Milliards d’euros sur le mandat.
Vous mentionnez un volume important de 750 M d’euros qui pourrait être atteint en 2024 mais sans mentionner les projets concernés et encore moins les besoins de financement qu’ils génèreront pour 2024.
Or, pour poursuivre un rythme élevé d’investissement sur la durée, l’épargne générée en fonctionnement doit être suffisante pour disposer d’un autofinancement suffisamment conséquent pour limiter un recours excessif à la dette, à défaut de quoi le déséquilibre deviendrait rapidement insoutenable.
Le peu de visibilité et le brouillard que vous entretenez autour de la PPI peuvent raisonnablement nous interroger sur votre capacité à la financer et donc à la réaliser.
Car la PPI est, et c’est bien naturel en début de mandat, dans un cycle d’investissement plus faible que la seconde partie du mandat avec l’avancement à plein régime des réalisations.
Même si le niveau élevé d’autofinancement brut de ces dernières années et un stock de dette raisonnable devraient permettre d’amortir transitoirement le choc inflationniste en cours, si rien n’est corrigé, il y a fort à parier que dès 2025, la situation se dégradera fortement.
Vous le constatez mais n’affichez aucune mesure pour l’anticiper.
Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…
Revenons donc à votre stratégie financière.
Comme évoqué précédemment, des facteurs exogènes posent des contraintes sur l’exercice budgétaire de la métropole.
Le contexte international inflationniste, même si l’inflation tend à se ralentir dès 2024, fait mécaniquement monter notre volume de dépenses.
En parallèle, pour répondre à l’objectif fixé de déficit public national à 2,7% du PIB, la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 fixe un objectif de limitation de la croissance des dépenses de fonctionnement à 0,5% de moins que l’inflation, soit 2% en 2024 et 1,5% en 2025.
La LPFP ne prévoit pas à ce stade de mécanisme de contrainte comme ce fut le cas avec la contractualisation dite de Cahors. Mais vous estimez, comme annoncé en commission, que le projet de loi de finance 2024 est très optimiste. Vous envisagez donc une pression plus forte que prévue sur les finances publiques. En suivant votre raisonnement, on pourrait anticiper un risque que l’état demande aux collectivités de faire un effort supplémentaire, éventuellement par contractualisation.
Monsieur le Président, vous le savez, gérer, c’est anticiper. Et là, au-delà du constat, rien n’indique dans votre DOB une anticipation de ce risque.
Je n’ose imaginer ce qu’il se serait passé si après la crise de 2008, l’exécutif dirigé par Gérard Collomb était resté les bras à attendre que la situation se dégrade…
Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien…
Il est à souligner dans les contraintes exogènes également, une revalorisation importante de la rémunération des agents territoriaux avec une augmentation du point d’indice (+3,5%), une augmentation du remboursement transport passé de 50 à 75%, forfait mobilité durable, revalorisations Ségur et de la catégorie B, prime de pouvoir d’achat entre 300 et 800 €, attribution à tous les agents de 5 points d’indice majoré supplémentaires au 1er janvier 2024.
Peut-être que perdus dans vos visions biaisées du Gouvernement, n’avez-vous pas vu venir ces revalorisations ? En tout cas, notre groupe s’en félicite car pour rendre un service public de qualité, il est nécessaire de rendre plus attractifs les emplois publics, particulièrement dans un contexte d’amélioration de l’emploi.
Enfin, Monsieur le Président, j’aimerais revenir sur le volet le plus inquiétant de ce document d’orientation budgétaire non résilient, non fertile, non apaisé, non durable, non désirable : les recettes de fonctionnements.
Là encore, vous affirmez que les prévisions du PLF 2024 sont trop optimistes et, par là-même. Si tel était le cas, on peut imaginer que l’objectif de réduction des déficits publics implique un coup de rabot dans les dotations aux collectivités. Rappelez-vous 2014 et 2015 : -1,5 milliards d’euros par an de réduction décidés en 2013. Personne ne sait dire ce qu’il se passera, mais une position de prudence serait de mise. Inutile d’attendre d’être dans le mur.
En complément des facteurs purement exogènes évoqués jusqu’à maintenant et qui devraient vous inciter à l’anticipation et à la prudence budgétaire, d’autres sont liées au moins en partie à un dynamisme et de l’attractivité de notre territoire.
Je veux parler des droits de mutation à titre onéreux et de la fraction de TVA affectée à la métropole en compensation des recettes supprimées ou transférées dans le cadre de la réforme du financement des collectivités territoriales.
La prévision de baisse des DMTO est de 115M d’euros, soit -24%. Elle est en partie liée au marché immobilier qui lui-même dépend en partie de l’attractivité d’un territoire. La fraction de TVA est liée directement à l’activité économique et donc également à l’attractivité du territoire.
C’est le modèle métropolitain à la lyonnaise bâti pendant des années qui a permis, grâce à l’attractivité et au dynamisme de notre territoire, de développer ces recettes et de financer les projets de transformation grands lyonnais. Vous n’avez de cesse de vouloir y mettre fin, funeste erreur.
Monsieur le Président, il n’est jamais trop tard. Votre vice-Président aux finances nous annonce que ça devrait tenir en 2024 (on l’espère sincèrement), nous voyons tous que dès 2025, la situation sera au-delà de la tension.
Et il faudra faire rapidement des arbitrages :
- Allez-vous reporter (au risque de repousser les problèmes au prochain mandat) ou supprimer des projets ? Lesquels ?
- Allez- vous augmenter la fiscalité ? L’augmentation de la TEOM en est-il un indicateur ?
- Des politiques publiques seront-elles revues à la baisse ? Lesquelles ?
Nous ne voyons rien de tout cela dans ce DOB.
Jusqu’ici tout allait bien, mais l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. Et il semble que celui que vous préparez, sans correction rapide, risque d’être particulièrement douloureux pour les finances de notre collectivité et donc pour les grands lyonnais.