Monsieur le Président, 

Chers collègues, 

Je remercie nos collègues du groupe Synergies qui s’associent à cette intervention.

Cette délibération, peut-être l’une des plus symboliques de ce Conseil, témoigne de votre volonté d’avancer sur la question du coût du logement en hypercentre.

Elle nous oppose, avec vous, et nous pose de nombreuses interrogations. 

Pourquoi ? Parce que ce dispositif que vous souhaitez expérimenter sur Lyon et Villeurbanne, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt, si je puis dire.

Et pour l’illustrer, utilisons l’image de la baguette de pain et de son prix.

Imaginons que demain nous régulions ardemment le prix de la baguette de pain dans une commune: on encadre son prix, certes, mais l’on commence de facto aussi à réguler le prix de la farine, du sel, de la levure, … On commence à vouloir contrôler de façon plus poussée le temps de travail du boulanger, les normes qui accompagnent le travail de la profession, le matériel qu’il faut utiliser, … 

En somme, on régule tout, on réglemente le plus possible, sans se poser trop de questions et surtout sans apporter de réponses.

Et puis, quelques temps après, on se rend compte que les habitants vont aller acheter leur baguette de pain dans la commune voisine, car il y a plus de choix, de diversité de pain… Et que les boulangers de la commune en font de même, en allant s’installer ailleurs, car ailleurs ils ont la liberté d’exercer leur travail et leur amour du métier.

Si l’on en revient à l’encadrement des loyers, nous nous interrogeons à plusieurs titres :  

D’une part, le faible impact du dispositif sur les prix de l’immobilier : en août 2020, l’observatoire des loyers de l’agglomération parisienne annonçait une augmentation des loyers d’1,8% entre 2018 et 2019, malgré le dispositif d’encadrement des loyers, augmentation supérieure à celle Lyon sans encadrement

A Lille, 2nde métropole où le dispositif est expérimenté, les loyers sont en moyenne plus chers qu’à Lyon et l’inflation des prix se poursuit, l’encadrement n’y peut rien car les Lillois comme les Lyonnais manquent de logement en hyper centre

Qu’attendez-vous de mieux à Lyon qu’à Lille ou à Paris ? 

Par ailleurs, c’est le choix d’un outil unique au détriment des autres qui nous pose question : mettre en place l’encadrement des loyers sur 2 des 59 communes de la Métropole ne suffira pas à répondre à l’ensemble des défis auxquels nous faisons face en matière de logement. 

Cet outil, c’est la face immergée d’un iceberg. 

Nous ne sommes pas opposés par idéologie : d’ailleurs, si cela fonctionne d’ici 2 ou 3 ans, nous nous en réjouirons. 

Mais, de manière empirique, en regardant ce qu’il se passe ailleurs, on voit que cela ne fonctionnera pas. 

Par ailleurs, par rigueur intellectuelle, si l’on prend les bons chiffres, et non pas ceux qui vous arrangent comme mélanger les chiffres de deux observatoires, on constate que le marché locatif est beaucoup moins évolutif que le marché de l’achat immobilier sur le temps long à Lyon.

C’est pour cela qu’il faut agir, comme nous l’avions proposé durant la campagne, sur plusieurs plans : 

D’abord sur la production, avec une augmentation significative de la construction de logements et nous attendons vos orientations en la matière, durant la campagne et après la campagne, Monsieur le Président vous vous étiez engagé auprès des professionnels du bâtiment à libérer les permis de construire, on constate surtout une mise à l’arrêt des projets, des retards dans la mise en œuvre de décisions que la précédente majorité avait acté.

Ensuite sur la diversification des produits proposés, avec une meilleure répartition des trois types de logements sociaux, avec l’OFS pour la création de logements abordables et enfin avec les bailleurs qui proposent des logements intermédiaires, 20 à 30% moins chers que les prix du marché, ciblant ainsi les jeunes actifs de la classe moyenne, les agents de l’Etat, des collectivités territoriales et d’autres profils qui ne peuvent pas bénéficier d’un logement social et qui n’ont pas les moyens d’acheter ou de louer un appartement du parc privé en plein cœur de Lyon.

Enfin, en plafonnant, comme nous avions commencé à le faire (Gratte-Ciel, Dardilly, Confluence, Gerland …), et comme nous proposions de l’amplifier, le prix de vente des logements neufs dans les opérations d’aménagement pour tenir compte de l’effort de la Métropole sur le foncier.

Il est écrit dans votre délibération: « les seuls outils actuellement mobilisables sur ce parc étant l’encadrement des loyers et l’expérimentation proposée par l’État ». Ceci est faux !

Ça n’est qu’en mobilisant une série de leviers que nous parviendrons à répondre aux besoins de logement abordable exprimés par nos concitoyens et que nous construirons un marché du logement équilibré dans la Métropole de Lyon.

Nous saluons d’ailleurs votre proposition de création d’une brigade du logement métropolitaine, proposition que nous avions aussi formulée durant la campagne, chargée, d’après vos dires, du contrôle de cet encadrement, du contrôle  des règles d’encadrement des logements AirBnB et de la veille sur l’habitat indigne. 

Mais là aussi, nous nous interrogeons : qui déploiera les moyens financiers et humains ? Les Villes de Villeurbanne et Lyon, cette dernière ayant actuellement à sa charge le contrôle d’AirBnB, ou la Métropole ? Et quels moyens humains comptez-vous déployez pour ces trois politiques publiques d’une importance cruciale ? Comment fonctionnera cette brigade ? Nous souhaiterions avoir des précisions.

Un dernier point nous interroge : le choix du périmètre : focaliser la mise en place du dispositif sur les deux villes ne fera qu’accélérer la « fuite en avant » des Lyonnais et des Villeurbannais les plus modestes qui, faute d’une augmentation de la production de logements en hypercentre et d’une baisse des prix à l’acquisition, seront contraints de quitter les deux villes pour aller s’installer dans d’autres communes de la Métropole, voire même en dehors comme c’est déjà le cas.

Il en va de même pour les investisseurs, qui privilégieront d’autres territoires que la Métropole de Lyon pour investir. 

Ce dispositif très ciblé ne fera donc que reporter ailleurs l’inflation des prix à l’achat et à la location. 

Pour conclure, nous ne sommes pas opposés parce qu’il faut s’opposer. 

Nous sommes opposés car nous sommes des pragmatiques : non seulement ce dispositif est une fausse bonne idée, mais il pourrait vous servir, en plus, à ne pas agir sur le reste et éviter la mise à jour les contradictions de votre majorité sur le sujet.

Et c’est le reste – La production d’offre, le plafonnement des prix de vente, la diversification des types de logements neufs proposés, la rénovation du parc existant, la rénovation urbaine – auquel il nous semble primordial de s’attaquer, et vite.

Aussi, nous voterons contre ce projet de dispositif expérimental.

Je vous remercie.